Mère-Fille

étude astropsychologique

4ème de couverture

Bien loin d’être endormis dans un reliquaire de musée, les mythes n’ont rien perdu de leur force. Transcendant les siècles, se jouant des frontières, ils dévoilent la trame d’une histoire qui n’est autre que la nôtre.

D’un point de vue psychologique, le mythe de Déméter et de Coré-Perséphone nous donne d’abord à voir un certain nombre de motifs qui sont au cœur des relations mère-fille. Combien de mères se reconnaîtront dans ce visage de Déméter, qui rêve d’un monde où sa fille lui emboîterait le pas en restant à jamais fidèle à son modèle ! Combien comprendront sa détresse, le jour où Coré lui sera ravie par Hadès ! De leur côté, combien de filles se reconnaîtront dans ce visage de Coré, qui oscille entre la fidélité à la mère et le désir de vivre sa propre vie ! En évoquant la mise à l’épreuve que constitue la différenciation entre la mère et la fille, le mythe ne se borne pas à en souligner les difficultés, mais il apporte la promesse d’une mutation : Coré, la jeune fille, deviendra en effet Perséphone, reine et souveraine.

Dans une perspective plus large, et qui nous concerne tous, hommes et femmes, le récit d’Homère évoque un processus de transformation. En s’ouvrant à l’inconnu, que représente Hadès, et en disant «oui», jusqu’au plus intime de son être, Coré advient à elle-même et elle dévoile le secret de son Nom. Perséphone signifie en effet : celle qui accomplit la mutation.

À notre monde qui est entré dans une phase de mutation, peut-être sans précédent, Perséphone témoigne d’un Féminin de la profondeur qui s’ouvre et qui fait alliance avec le Masculin pour que le papillon sorte de sa chrysalide.

extrait

Le signe de la Vierge : une étape “critique”

Faisant suite au Lion, dans le Zodiaque, la Vierge vient questionner et remettre en cause la souveraineté acquise dans le cinquième signe. Pour l’enfant, qui a entre deux et quatre ans, qui se tient debout et qui se vit de façon de plus en plus autonome, la Vierge représente une étape où le Moi cherche ses limites en se démarquant de la mère et de l’environnement. À cet âge, l’articulation majeure de cette phase est la crise d’opposition qu’il traverse en exerçant, systématiquement, parfois, le pouvoir de dire «non».

En s’opposant à son entourage, et à sa mère, en particulier, l’enfant cherche à gagner en indépendance. En refusant d’accéder à ce qu’elle lui demande, il fait coupure avec elle. Il affirme sa volonté de choisir et de décider, par lui-même et pour lui-même. En somme, il lui dit non, pour ne pas avoir à lui dire oui. Il lui dit non pour exercer sa liberté de ne pas la satisfaire, l’injonction de satisfaction étant, comme il a été dit, au cœur de l’emprise maternelle.

Dans la mesure où la mère comprend le processus maturatif qui sous-tend la crise d’opposition, elle peut répondre de la façon la plus appropriée aux besoins de différenciation qui sont spécifiques au signe de la Vierge. Il arrive toutefois que l’enfant apprenne, à un stade précoce, à se subordonner aux attentes de la mère et qu’il taise tout désaccord, par peur de perdre son amour. Le cas échéant, elle peut se féliciter d’avoir un petit garçon, ou une petite fille, si «sage», mais, du côté de l’enfant, c’est un drame qui est en train de se jouer : il a appris à aliéner son désir à celui d’autrui. À cette étape où il aurait besoin de structurer son autonomie en risquant le «non», il n’ose que le «oui», parce que la concordance, seule, est acceptée. Les conditions sont requises, pour que toute relation soit appréhendée dans les termes de l’aliénation. Par quelle voie détournée l’opposition va-t-elle être réduite à s’exprimer ? Par quel chemin l’enfant devra-t-il passer pour trouver, dans le meilleur des cas, l’épée qui lui permette de trancher, afin que son désir ne soit plus confondu avec celui de l’autre ?

Tout au long de la vie, la question de l’immunité – celle des frontières entre le moi et le non-moi – va être au cœur de l’appareil virginien. Je me rappelle une histoire rapportée par une disciple de Babaji. Un jour, elle avait entrepris une randonnée, accompagnée de son maître et de quelques autres résidents de l’ashram. C’était l’été, il faisait chaud et ils suivaient un chemin caillouteux et escarpé. Au bout d’une heure ou deux, ils s’étaient arrêtés pour se reposer. Ils étaient couverts de poussière, mais, à leur grande stupeur, ils virent que Babaji était frais, comme au sortir d’un bain. Répondant à leurs mines ahuries, il leur dit à peu près ceci : «Pourquoi cela vous étonne-t-il à ce point ? N’est-ce pas bien plus surprenant que des êtres, qui ne sont pas vous, puissent élire domicile sur votre corps, sans votre assentiment ? Vous êtes les hôtes de vies qui ne sont pas les vôtres. Vous accueillez des éléments indésirables. N’est-ce pas plutôt cela qui devrait vous étonner ?»

Passons sur l’aspect magique de la situation. Le lecteur qui connaît quelque peu Babaji est coutumier de son humour et de sa façon de recourir au merveilleux pour dispenser un enseignement. Manifestement, il avait une très bonne raison d’engager la réflexion de ceux qui l’accompagnaient ce jour-là sur la question des frontières. Il avait choisi de susciter un choc en leur faisant observer ce qui se passait à leur insu : «Ne voyez-vous pas ce qui est fixé sur vous et que vous confondez avec vous, faute de différenciation ?»

Les signes des Gémeaux et de la Vierge sont tous deux associés à Mercure et ils recouvrent l’un et l’autre la sphère des échanges avec l’environnement. Par contre, leurs modes opératoires respectifs diffèrent profondément. Au carré des Gémeaux, la Vierge marque une rupture par rapport au troisième signe, qui tend à explorer tous azimuts et à aller de contacts en découvertes. Là où les Gémeaux sont dans la multiplication, elle est dans la division. Là où il s’agissait d’expérimenter et de toucher à tous les «pourquoi-pas», c’est la question du choix qui prévaut, désormais, et elle n’en finit pas de trier et d’éliminer. Tandis qu’ils sont tout naturellement disposés à entrer dans le jeu des échanges, elle est plutôt encline à la réserve et à la retenue. Alors qu’ils vont spontanément à la rencontre des autres et du monde, elle cherche à se situer et à se positionner, en tant que personne, par rapport aux autres, par rapport au monde et à ses sollicitations.

Il n’y a pas plus sélectif que le signe de la Vierge. Il n’y a pas étape plus critique, dans le Zodiaque, au sens que la crise, du grec krisis, signifie littéralement la «décision». Rappelez-vous l’histoire du «Jugement de Salomon» et l’épée à laquelle le roi recourt pour trancher. Nous avons souligné que «trancher» signifie, en latin, «décider» et nous allons revenir sur la vocation de la Vierge dont le tranchant est précisément l’épée de la parole.

C’est un lieu commun de l’astrologie que de dire que les Gémeaux ont tendance à se perdre en se dispersant. Par nature, ils s’intéressent à tout et ils sont touche-à-tout. Adoptant une conduite de type événementiel, ils se laissent facilement happer par les circonstances qui se présentent. Souvent, ce n’est qu’après-coup, qu’ils se rendent compte qu’ils se sont embarqués dans une histoire où leur désir n’avait peut-être pas cours. La Vierge tend, au contraire, à faire preuve de tant de circonspection qu’elle laisse passer beaucoup de trains. Certes, elle a bien raison de penser que toutes les opportunités ne sont pas bonnes à saisir, mais voit-elle à quel point l’univers peut se rétrécir, quand on se refuse, a priori, au jeu des possibles et de l’éternelle proposition que constitue la vie ?

Les Gémeaux se retrouvent partout où joue le préfixe inter, lequel entre dans la composition d’une foule de mots, qui ont en commun la notion d’échanges interactifs, et nous avons déjà souligné le rapport qu’ils entretiennent avec l’interdit. En français, la préposition entre, correspondant du latin inter, évoque de façon privilégiée l’espace intermédiaire où les Gémeaux investissent les contacts et les échanges. Des Gémeaux à la Vierge, on évolue de la notion d’espace à celle de distance, de la notion d’intersection à celle de dissection, pourrait-on dire. La Vierge se reconnaît en effet dans le préfixe dis, qui indique la séparation et la différence. L’élément dis – et ses dérivés, qui font tous coupure – occupe une place centrale dans le lexique de la Vierge. Elle prend de la distance, elle distingue, elle discerne, elle dissocie, elle fait preuve de discrimination, en un mot, elle différencie. Signe de tête, elle dissèque, aussi : elle coupe les cheveux en quatre, à défaut de trancher.

Dans le même ordre d’idées, comparez la démarche intellectuelle des Gémeaux à celle de la Vierge. Les Gémeaux procèdent par associations et ils rebondissent en passant d’une idée à l’autre. Ils font parfois de tels rebonds, qu’ils sautent du coq à l’âne, dans un flot de paroles où une chatte ne retrouverait pas ses petits. De son côté, la Vierge opère de façon discursive – toujours le même préfixe – en avançant pas à pas. Elle tourne sept fois la langue dans sa bouche avant de parler. Au nom de la clarté, elle veille à écarter tout ce qui lui paraît s’éloigner de son sujet, mais elle court le risque de la pensée linéaire, parce qu’elle répugne au kaléidoscope des détours, des parenthèses et des anecdotes.  

Mis à l’épreuve de la différenciation, les natifs de la Vierge sont très sensibles au respect des frontières. Certains enfants manifestent ainsi précocement leur besoin de clarté, s’agissant de la notion de propriété. Ils n’acceptent pas qu’on touche à leurs jouets, par exemple, sauf autorisation expresse de leur part. D’autres enfants défendent très tôt leur espace et leur territoire. Ils ne veulent pas qu’on les dérange et ils demandent, par exemple, que les autres membres de la famille n’entrent pas dans leur chambre, sans avoir frappé ou sans avoir été invités.

Certains natifs de la Vierge fonctionnent toute leur vie sur un mode défensif, comme si la crise d’opposition de la petite enfance n’avait pas pu avoir lieu ou comme si elle n’avait pas abouti à une délimitation minimale entre les êtres. Faute de disposer d’une parole séparatrice efficiente, ils réagissent de façon allergique à tout ce qui leur apparaît comme une forme de parasitage. Dire «non» reste pour eux une réaction épidermique, une façon de lutter contre l’autre identifié à un intrus ou à un envahisseur potentiel. Ils ont recours à l’opposition pour se démarquer des idées ou des opinions des autres et, plus radicalement, pour ne pas perdre leur intégrité en succombant à leur volonté.

Portée à son exaltation, dans le monde des Poissons qui n’est que «oui», Vénus est en chute dans le signe de la Vierge qui s’applique à définir soigneusement les frontières. Vénus-Vierge s’oppose à tout ce que la relation comporte de fusionnel et elle tend à se préserver de l’autre, par peur d’être l’objet de son désir. Elle développe un sens aiguisé des affinités électives en se gardant de se mêler à n’importe quoi ou de se frotter à n’importe qui. Avec qui elle veut, peut-être et dans le meilleur des cas, mais certainement pas n’importe où ni n’importe comment. Elle affûte son sens critique et elle jouit, parfois, du pouvoir de l’exercer.

Une femme, qui est née avec Vénus en Vierge, me racontait ainsi qu’elle se plaisait à allumer les hommes … et à les refroidir avec autant de détermination. Elle leur laissait croire à une relation érotique possible et elle se refusait à eux, au moment où ils commençaient à se montrer entreprenants. Je ne suis pas sûr qu’elle ait compris ce que Jung voulait dire, quand il écrivait que «le contraire de l’amour n’est pas la haine, mais le pouvoir».

Le signe des Poissons est associé à Vénus, par exaltation, et à Jupiter et Neptune, par maîtrise. Chacune à leur niveau, ces trois planètes évoquent la dimension du lien, de la relation, de la fraternisation, en un mot, de l’Éros qui se déploie jusqu’à réaliser l’expérience du Un, dont le Trois est garant. À l’opposé des Poissons, la Vierge risque de cultiver un fantasme d’autosuffisance où le pouvoir de dire non se substitue à l’Éros, comme oui à la rencontre et à l’échange. Certains natifs semblent ainsi être entourés d’une aura dissuasive d’où émane un message de mise à distance : « Ne vous approchez pas !  Ne me dérangez pas ! » C’est par le truchement d’un clivage – d’une confiscation de l’Éros par la tête – qu’ils parviennent à faire l’impasse sur leur enfermement. Dissociés, ils demeurent en marge de la Vie, là où elle se donne et où elle se reçoit.

Sur le plan intrapsychique, la peur de l’envahissement induit le même mécanisme de mise à distance. Le natif se préserve de l’affect par la rationalisation. Il use du «ça ne me touche pas» ou du «ça ne m’attire pas» dénégateur et il reste sourd à lui-même. Il se rassure par des comportements obsessionnels et il tend à contrôler ses désirs, et ceux de son entourage, le contrôle faisant office de substitution à une différenciation déficiente. Quand le «non» ne peut pas s’affirmer ouvertement, il s’exprime de façon détournée. Quand l’opposition ne peut pas s’humaniser, en franchissant le cap de la parole, elle reflue à un stade archaïque d’expression. Fixée sur le corps – la Vierge est un signe de Terre – elle s’inscrit au niveau viscéral et elle génère des tensions neuromusculaires. Avec la Vierge, c’est la danse des symptômes qui tend à se substituer à ce qui ne peut pas se verbaliser et à ce qui n’est pas ressenti sous la forme de l’émotion.

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